Partie B de La
complexité -- ses contraintes pour l'innovation sociale. Rapport préliminaire du Groupe 2 pour le compte de Mankind 2000 (Bruxelles)
pour
les Journées d'Etudes (Paris, 28-30 mars 1977) de la Fondation Internationale
de l'Innovation Sociale English
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II est évident que le développement de la complexité de la Société et de ses problèmes s'accompagne d'une dépendance accrue à l'égard de l'information . Helmut Arntz, Président de la Fédération Internationale de Documentation l'a récemment souligné :
" Quiconque dans cette situation se hasarde à faire des pronostics sur l'avenir de l'humanité, ne peut pas ignorer l'antithèse entre le pouvoir inoui que nous confère la technique (y compris celui de nous détruire nous-mêmes), et la faiblesse de notre volonté, la médiocrité des moyens intellectuels dont nous disposons pour son application intelligente ... Aujourd'hui, nous l'avons vu, l'information n'est plus en premier lieu l'étendard triomphal du progrès. C'est le seul moyen de garder suffisamment le contrôle de l'évolution pour que l'humanité, forte de ses connaissances et de ses expériences, tirant habilement parti de toutes les données de l'information, conserve toujours une avance sur la menace qui peut mener à la catastrophe".
Il faut cependant faire une distinction entre :
Dans un environnement social où 1'on peut considérer les problèmes dans un isolement relatif et faciles à classer dans le domaine d'une organisation ou d'une discipline isolées, les méthodes de structuration de cette information peuvent être simples (par exemple : l'ordre alphabétique, les classifications hiérarchiques, etc ...). Malheureusement, l'environnement social est aujourd'hui extrêmement mouvant et on ne peut plus manipuler convenablement l'information par de telles approches ainsi qu'en témoignent les citations suivantes :
" Le problème est que dans la plupart, sinon dans toutes les sphères de l'investigation et du choix, des quantités d'informations brutes envahissent les quelques organismes ou systèmes de connaissances généraux et universellement reconnus qui ont été créés par l'homme... par exemple, où le maire récemment élu d'une ville peut-il s'adresser pour comprendre les interrelations dynamiques entre les transports, l'emploi, la technologie, la pollution, les investissements privés et le budget municipal... entre l'habitat l'alimentation, la santé et les motivations individuelles de déplacements. ? A qui le citoyen concerné ou son représentant au Congrès intéressé par l'évolution de l'éducation peut-il s'adresser pour trouver la meilleure compréhension disponible des relations entre les communications y compris lesnouvellestechnologies et la formation ? " (Mac George Bundy. Managing Knowledge to save the environnement. Chambre des Représentants 1970).
"La plupart des conflits les plus sérieux que l'humanité doit affronter,résultentde l'interaction entre forces sociales, économiques, technologiques, politiques et psychologiques, et ne peuvent plus être tranchés par des approches fractionnées de disciplines isolées. La complexité et la dimension des problèmes forcent à prendre des décisions à des niveaux où la participation personnelle de ceax qu'ils affectent est de plus en plus distante, engendrant ainsi une crise dans le développement politique et social qui menace tout notre avenir" (O.C.D.E. déclaration de Bellagio sur la planification. 1968)
"II est des plus probable que chacune des anciennes démarcations, disciplines, et facultés vont être périmées et devenir un obstacle à la formation, aussi bien qu'à la compréhension Le fait de passer d'une vision cartésienne de l'univers qui mettait l'accent sur les parties et les éléments vers une vision générale mettant l'accent sur les ensembles et les schémas, remet en question chacune des frontières qui limitent les différents domaines d'étude et de connaissance (P.F. Drucker, The Age of Discontinuity; guidelines to our changing society. 1968).
Dans un contexte aussi complexe, une question importante est donc de savoir comment sélectionner, structurer et représenter l'information de façon à faciliter, plutôt qu'à entraver l'innovation sociale. Et au sens propre, la faculté d'engendrer une innovation sociale appropriée dépend du caractère novateur de la façon dont l'information est fournie à son utilisateur. Si ce dernier est obligé de consacrer une partie considérable de son temps, de son énergie et de ses ressources à compenser les distorsions de la nature des informations reçues, il est beaucoup moins probable que l'information disponible soit pour lui une stimulation constante pour l'innovation. Il sera aussi beaucoup plus facile pour certains d'adopter une stratégie qui réfute la possibilité d'innovation.
Les problèmes ci dessus de diffusion de l'information, les possibilités de solutions peuvent être utilement discutés sur les bases suivantes qui sont étroitement liées entre elles.
1. Types d'informations
On collecte surtout l'information sur :
a) -"des sujets définis dans une variété de schémas de classification documentaire. "Un sujet" est un concept général couvrant un ensemble vague de thèmes qui vont des domaines de la connaissance et du savoir faire, de ceux de l'expérience pratique et de la croyance à ce qui concerne une région, un lieu ou un individu particulier les plans de classification n'ont pas cherché a distinguer et à relier entre _eux les différentes sortes de"sujets" importants pour l'innovation sociale. Les documents sur les sujets sont souvent classés seulement par noms d'auteurs.
b) - "des sujets" identifiés dans les recensements de populations, les registres d'entreprises, les catégories d'emploi, les secteurs économiques, etc ... Par sa nature même, une telle information tend à être surtout quantitative et nécessairement traitée sous une forme collective où les sujets individualisés ne peuvent être ni distingués, ni reliés entre eux, ni reliés à des sujets d'une catégorie différente.
Considérons les catégories suivantes de sujets qui ne sont généralement pas distingués les uns des autres, et qui pourtant apparaîtraient chacun comme des composantes importantes et distinctes de toute information étayant l'innovation sociale.
Il faut définir et relier entre elles de tellessortes d'informations pour clarifier les options en vue de l'innovation sociale et de L'allocation de ressources. Jusqu'à présent, cela n'a été systématiquement tenté qu'au niveau international avec le projet expérimental du Répertoire des problèmes mondiaux et du potentiel humain. Il faudrait entreprendre une oeuvre similaire à l'échelle nationale. Il n'existe pas encore de banque internationale de données sur des techniques et des projets d'innovation sociale reconnus.
2. Systèmes d'informations multiples
L'information relative à l'innovation sociale est utilisée de diverses façons par des organismes dont les ordres de priorité et les objectifs sont très variés. Ces différences mêmes sont généralement considérées comme une justification valable pour établir des systèmes d'information distincts et sans relation entre eux pour satisfaire des objectifs tels que :
La séparation entre ces systèmes conduit nécessairement à un manque de correspondance entre l'information qu'ils apportent sur un même problème et par conséquent aggravent dangereusement les discontinuités et les retards apportés aux processus de changement social et à leur compréhension.
Ainsi que Sir Robert Jackson le remarque dans la Capacity Study of United Nations Development Systems, en bref, il y a maintenant trop de systèmes isolés, incompatibles, incomplets, se rapportant à certains aspects des activités de coopération et de développement (volume 2 - page 223). "La seule description de la structure actuelle pour la coopération du développement montre bien ses insuffisances majeures : elle est beaucoup trop fragmentée et comporte d'énormes domaines de recoupements qui engendrent de graves problèmes de coordination et une inutile complexité bureaucratique (volume 2 - page 288).
La question est d'imaginer des systèmes à plusieurs entrées qui puissent filtrer l'information d'une excessive complexité (ou simplicité) en fonction des besoins de l'utilisateur. De tels systèmes garantiraient par exemple que la politique est fondée sur la même information que la recherche. Ils constitueraient aussi un défi nécessaire pour développer des moyens de formation du public afin de dominer la complexité plutôt que de la nier ou de l'ignorer.
3. Structuration souple des données
L'information relative à un environnement dynamique complexe est d'une valeur limitée si elle est collectée et structurée en fonction de la compréhension, pour une organisation donnée, d'un problème particulier relié à un programme spécifique obligatoire (à court terme), On traite ainsi beaucoup d'informations que 1'on ne peut adapter à de nouvelles perceptions ni aux exigences de programmes ultérieurs. Les simplifications et les suppositions conceptuelles sur la façon dent le problème complexe est organisé et maîtrisé par des programmes particuliers font partie de la structuration des données (dans les mémoires et les software des ordinateurs). Les données ne sont pas structurées pour permettre d'inclure ultérieurement d'autres relations entre les différents éléments de données. Et aussi, l'analyse tend à se centrer surtout sur des éléments isolés plutôt que sur la nature des relations (changeantes) entre les éléments, qui est une caractéristique essentielle de la complexité. (c'est là un des avantages du caractère de réseau sur lequel est fondé le Répertoire des problèmes mondiaux et du potentiel humain). On a beaucoup étudié la théorie et la condeption de structures souples et générales des données pour les ordinateurs. Malheureusement, on n'a pas encore su l`appliquer à. l'information relative à l`innovation sociale.
4. Représentation de l'information
Avoir un accès physique à l'information concernant tous les composants d'une situation complexe, est une chose. C'est tout à fait autre chose d'être capable de représenter cette information sous des trait correspondant aux préférences et aux capacités de l'utilisateuret de son degré de tolérance à la représentation de degrés variables de complexité. L'approche conventionnelle est soit de nier la complexité et de présenter un diagramme simplifié ou une métaphore, soit d'accepter la complexité et de faire une représentation matricielle ou son équivalent compréhensible des seuls spécialistes. Les problèmes de représentation de la complexité n'ont été étudiés systématiquement que par rapport au montage d'instruments (véhicules aérospatiaux). On croit encore qu'une situation complexe de la société peut être fidèlement représentée pour un"généraliste" cultivé sur une feuille de papier, et que tout ce qui est omis à un tel degré de simplification est nécessairement inutile.
On a développé un certain nombre de techniques pour représenter des situations complexes, mais celles-ci n'ont pas été appliquées à l'information directement liée à l'innovation sociale. Par exemple, les cartes de réseaux et les systèmes des schémas sur écrans d'ordinateurs qui permettent de maitriser des structures ordonnées (par opposition aux images et aux lignes d'un texte).
Il est probable qu'en l'absence de telles techniques, on pourra difficilement pénétrer la complexité de situations sociales et communiquer la connaissance ainsi obtenue. En conséquence, on est à peu près incapable de créer un consensus sur les problèmes clés.
5. Systèmes d'information_ interorganisations
Les systèmes d'information sont généralement conçus pour satisfaire les objectifs préalablement définis d'une organisation donnée. A l'occasion, de tels objectifs peuvent comporter l'accès à d'autres organisations dont elles approuvent les buts. C'est une approche très restrictive et inhibitrice pour faciliter et catalyser les relations entre les organisations. La meilleure illustration par l'absurde peut être donnée par le réseau téléphonique qui est employé par chaque utilisateur pour ses propres objectifs qui changent constamment. L'accès n'est pas régulé en fonction d'utilisations prévues. En conséquence, le système permet un grand nombre de contacts différents et inattendus. Il n'existe aucun système équivalent pour stimuler les contacts entre des organismes s'occupant d'innovation sociale. En conséquence, On voit se former et se défaire lentement des coaliiions et il y a un temps de réponse considérable pour affronter toute situation nouvelle, ou encore de faibles réactions a toute activité spontanée. Il faudrait imaginer des systèmes d'information qui étayent les activités encore organisations et facilitent la rapidité des réponses aux situations nouvelles.
6. Images de l'homme
L'innovation sociale est stimulée et orientée par l'évolution des concepts concernant la nature de l'homme. Une récente étude du centre pour l'étude de la politique sociale (Stanford Research Institute) souligne que : "les images de l'humanité qui dominent une culture. sont d'une importance fondamentale parce qu'elles soulignent la façon dont la société forge ses institutions, éduque sa jeunesse, et accomplit ce qu'elle perçoit comme son devoir. Des changements de ces images sont particulièrement importants aujourd'hui par ce que notre société industrielle se trouve peut-être au seuil d'une transformation aussi profonde que celle qui s'est produite en Europe quand le Moyen Age a laissé la place au développement scientifique et à la révolution industrielle ...". Les concepts de l'homme sont cependant eux-mêmes développés par les innovations mises en oeuvre comme le souligne René Dubos : "l'environnement que les hommes créent pour satisfaire leurs besoins devient un miroir qui reflète leur civilisation; ce qui est plus important c'est qu'il constitue- un livre dans lequel est écrit la formule de vie qu'ils communiquent aux autres et aux générations suivantes." Plus brièvement, la formule de Winston Churchill : "Nous forgeons nos maisons et nos maisons nous forgent" pourrait aussi bien aux systèmes d'informations que nous choisissons de créer.
La question est de savoir quel effet de choix d'une stratégie particulière d'informatoon peut avoir sur 1'image mouvante que nous avons de nous-mêmes et comment elle se rapporte aux innovations sociales que nous préférons ? Inversement, quelle résistance à l'innovation peut surgir de notre répugnance à nous adapter à une autre image de l'homme ?
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