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13 June 2005 | Draft

Provocations libératrices

Du bon usage des stratégies paradoxales

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Promouvoir des stratégies" négatives"? | Pourquoi alors s’engager sur cette voie? | Comment cette méthode provocatrice pourrait-elle fonctionner? | Des exemples? | Des précédents? | Théorie? | Des jeux à  jouer? | Ce processus est-il déjà engagé? Mais est-ce déjà fait? |Possibilités? |  Sérieusement? | Sérieusement? | Médiatisation et mise en scène provocatrice? | Commercialisation? | Réserves: quand éviter le paradoxe? | Justice? | Conclusion: réaliser l'impensable | References
Preparé avec Nadia McLaren. Traduit d'une version anglaise par Jeanne Gruson. Une version très abregée et éducolorée est apparue dans la revue Nouvelles Clefs (Paris, no. 46, été 2005) sous un titre Soigner le Mal par le Mal: la pensé négative peut-elle nous sauver de nos mauvais penchants -- qui ne correspond d'aucune façon aux intentions des auteurs ni de la traductrice

Introduction

Face aux problèmes sociaux et à bien d'autres, une énergie considérable est déployée pour inciter à adopter une conduite constructive et "positive". Cette approche a été utilisée depuis de nombreuses années. Elle est la base de nombreuses stratégies institutionnelles, aussi bien au niveau des Nations Unies que des gouvernements ou de la société civile. Il faut bien reconnaître que le retour sur investissement n'a pas toujours été satisfaisant. Et cela tant pour les problèmes de santé, de violence, d'environnement, de discrimination, etc. Ce discours ne serait-il pas, désormais, vidé de sens et de telles formules éculées ?

Sans réfuter le mérite de ces stratégies positives, on peut en imaginer d'autres, spécialement devant l'incohérence de la législation de l'ordre international et l'observation croissante que les forces destructrices sous-jacentes sont plus puissantes et plus largement répandues que ce qu'on pensait. Il est aujourd'hui un besoin croissant de nouvelles approches imaginatives et ce qui suit en est une, bien modeste.

Promouvoir des stratégies "négatives"?

Supposons, et cela dans tous les domaines, qu'au lieu d'encourager les gens à s'investir dans des solutions "positives" on les encourage à mettre en place délibérément et consciemment des réponses contre-productives et "négatives". Par exemple, au lieu d'économiser l'eau ou l'électricité, pourquoi ne pas les inciter à les gaspiller davantage? Au lieu d'investir dans des campagnes d'information sur le danger des drogues, pourquoi ne pas les encourager à en consommer davantage? Et ainsi de suite pour l'environnement, les fraudes d'entreprises, la pornographie, la violence domestique, la violence globale, etc.

Au premier abord cette approche semble totalement scandaleuse et irresponsable. Effectivement, elle l'est. Mais c'est justement le but: paraître réellement irresponsable et scandaleux.

Pourquoi alors s'engager sur cette voie ?

L'argument est ici de dire que de plus en plus de gens en ont assez de s'entendre dicter quoi faire et comment se comporter. Ceux qui sont disposés à écouter de tels messages ont déjà été convertis aux comportements appropriés. Ceux qui résistent à de tels messages y sont de plus en plus résistants. Dans une société qui aliène ses citoyens et les encourage à adopter des comportements de dysfonctionne ment en compensation des carences de la vie moderne telle qu'ils la perçoivent, un mode "provoca nt" pourrait parler à ceux qui en ont assez qu'on leur dise comment se comporter.

Dans un monde de contradictions les gens ont intérêt à ce qu'on leur permette de reconnaître dans quelle mesure leur propre identité est elle-même l'expression de contradictions.

Comment cette méthode provocatrice pourrait-elle fonctionner?

C'est une stratégie à double tranchant. En incitant à une approche "négative", ceux qui résisteraient à ce qu'on leur dise comment se comporter réagiraient en faveur d'une approche positive. Ceux qui seraient scandalisés par une approche"négative" investiraient leur énergie dans des campagnes "positives", alors qu'ils ne s'y seraient pas engagés auparavant.

Nous sommes tous formatés depuis notre plus tendre enfance à réagir à l'autorité. Soit nous y sommes indifférents, soit nous recherchons comment faire exactement le contraire. Si l'on nous dit de faire quelque chose, on a tout de suite envie de faire le contraire. Si l'on nous encourage à faire quelque chose, on pense également à faire le contraire. Cet argument est développé par Zoé Williams (Cannabis come down, The Guardian, 29 mars 2005). En anglais tous les mots dans les titres de publications ont des majuscules: "Donc, si vous leur dites que c'est dangereux, ils le feront. Si vous avez l'air de vous en ficher et si vous dites - ce n'est pas grave - ils iront faire autre chose". On peut utiliser cette observation pour décrire plusieurs types de comportement. Obésité, tabagisme, alcoolisme, violence, vol de voiture, tous ces comportements pourraient devenir obsolètes si le gouvernement décidait de les encourager, surtout si des membres éminents donnaient l'exemple en pratiquant toutes ces activités de façon publique.

Cette approche provocatrice est conçue pour toucher plus efficacement ceux qui agissent de façon inappropriée, ou ceux qui sont passifs face à une action inappropriée.

Des exemples?

Il a fallu des décennies pour que les problèmes du tabagisme soient pris au sérieux par la législation. Combien de gens sont morts à cause de ces délais? Est-ce qu'il n'aurait pas été plus efficace d'encourager les gens à fumer?

L'astuce aurait été de démontrer clairement aux gens que le fait de mettre leur santé en péril et de risquer une mort prématurée était soutenu par la société. Informer un jeune que sa mort prématurée d'un cancer du poumon serait une contribution généreuse à la santé de la planète ou même aux fonds de pension exsangues, pourrait constituer une incitation extraordinaire à s'arrêter de fumer, ne serait-ce que pour priver ainsi la société de la satisfaction d'être entendue. Vu sous cet angle, il n'est pas impossible que des multinationales du tabac aient contribué à limiter la croissance démographique plus que les programmes de planning familial des Nations Unies ou de toute autre organisation. Les gouvernements aussi n'ont peut-être pas non plus pris la mesure de leur participation indirecte à la stabilisation de la population en faisant de l'abus des substances dangereuses (alcool, tabac) une source de revenu fiscal.

De la même façon en encourageant les conducteurs à boire davantage, on stimulerait de façon beaucoup plus vigoureuse le militantisme de ceux dont on met la vie en danger.

Des précédents?

Il y a au moins deux précédents qui sont liés.

L'un, bien connu, que nous verrons plus loin, s'appelle la "thérapie paradoxale" ou la "thérapie provocatrice" , et a été développé dans le domaine des thérapies familiales. Comme le soutient Alfred Adler, ceci recouvre essentiellement "la prescription du symptôme" comme base pour trouver un remède. Cette méthode a aussi été utilisée par des hypnothérapeutes tels que Milton Erickson. Une personne qui est anorexique peut être encouragée par le thérapeute à perdre plus de poids ou la personne obèse peut être encouragée à prendre encore plus de poids. Il est souvent observé que les employés d'usines de chocolat ont le droit de manger autant de chocolat qu'ils le désirent et ainsi perdent tout intérêt à le faire. Une approche similaire introduite par Viktor Frankel est appelée "l'intention paradoxale" . On fait faire à une personne ce qu'elle craint le plus. Si une personne a peur de sortir en public on lui conseille d'aller à un match de foot ou de faire du théâtre. Sans pression compensatoire, les défenses sont désarmées.

Mais il existe une variante appelée l' "amour sévère (à la dure?)". Ce nom vient d'une approche contradictoire destinée à éduquer des enfants à problèmes. Comme le terme le suggère, on encourage les parents à ne pas trop manifester leur amour pour leurs enfants et plutôt à faire semblant de nier cet amour pour le plus grand bien de l'enfant. Cette approche a été longuement utilisée aux USA.

Bien que le terme "amour sévère" semble contradictoire, on l'emploie maintenant comme un déguisement du parler politiquement correct lorsqu'on veut simplement être "sévère" , qu'il y ait de l'amour sous-jacent, ou pas. En fait, cela constitue le plus souvent une mascarade pour dissimuler le manque d'amour ou le désintérêt pour le bien-être de la personne envers qui cet "amour sévère" est dirigé. Le terme "d'amour sévère pour l'Afrique" a été utilisé pour qualifier la politique de George Bush en 2003, en faisant écho apparemment aux propos du Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, en 2002, de Colin Powell et de bien d'autres. Strobe Talbott, président du Brookings Institute, a beaucoup écrit sur le thème en faisant référence à la Russie de 2005. Curieusement ce thème est apprécié par les journalistes mais il ne reflète aucune stratégie alternative, autre que celle d'être "sévère" , comme une variante non militaire du slogan "penser l'impensable"

Théorie?

Dans certaines circonstances le remède le plus efficace dans une situation équilibrée ou déséquilibrée peut être de pousser le sujet plus loin dans une direction de dysfonctionnement. Le thérapeute assiste la personne à continuer, de façon inefficace, sur sa voie inappropriée. De cette façon les forces du sujet sont mobilisées pour résister à cette pression et le résultat constitue un pas dans la direction souhaitée

L'objectif donc est donc de "prescrire le symptôme" et souvent de développer un e thérapeutique à 'double effet', une façon plus complexe de prescrire le symptôme qui inclut l'implication de tout le système familial. Ces techniques marchent parce qu'elles s'appuient sur la "résistance" . Elles sont également sensibles à l'ambivalence complexe qui existe entre les personnes et les familles. De bonnes interventions stratégiques marchent alors parce qu'elles touchent toutes les facettes du problème "interne" .

Plus généralement, cette approche est à la base du travail du psychotérapeute ' gestaltique' Frédérick Perls. Arnold Beisser décrit ceci comme la "théorie paradoxale du changement" (1970) : "Le changement apparaît lorsqu'un sujet devient ce qu'il est, non lorsqu'il essaie de devenir ce qu'il n'est pas" . Le changement ne doit pas se faire par contrainte mais en prenant le temps et en faisant l'effort d'être ce que l'on "est" . En rejetant le rôle de l'agent du changement externe, un changement ordonné et qui a un sens devient possible. Beisser soutient l'argument que cette approche peut aussi s'appliquer à l'organisation et au développement de communautés et à d'autres processus de changement qui participent au cadre politique démocratique.

La "thérapie provocative" de Franck Farelly est du même genre. Il s'agit de jouer avec humour "l'avocat du diable" auprès du patient en faisant se confronter la partie négative de son ambivalence avec la partie positive (et avec le changement), cherchant ainsi à lui prouver comment il se ligote lui-même dans la situation, mais le faisant de façon à mettre en valeur sa connaissance de lui-même et ses capacités de changement. Les provocations humoristiques ou les défis contradictoires sont utilisés pour inciter la personne à lutter contre son propre fonctionnement d'auto-défense

En cherchant à comprendre pourquoi cette approche fonctionne, on peut dire qu'en termes cybernétiques une campagne positive engendre une certaine proportion d'effets positifs, mais aussi un contrecoup négatif qui peut s'avérer contre productif. Alors qu'une campagne axée sur le négatif engendre quant à elle, certes, une certaine dose d'effets négatifs, mais aussi leur contrepartie positive, et le cas échéant dans une proportion bien supérieure. Ceci se fonde sur l'hypothèse qu'il existe des boucles de rétroaction cachées qui maintiennent l'état dysfonctionne ment "X" et le rétablissent après n'importe quelle intervention thérapeutique. Pourquoi ce qui est vrai pour des individus et des organisations ne le serait-il pas pour des pays ou pour le monde entier? Une rétroaction ( feedback ) négati ve, dans le sens cybernétique, maintient une situation donnée. Un feedback positif, qui revient à "prescrire le symptôme" pour en accélérer la tendance, peut détruire l'effet rétroactif. Cette approche donne aussi à la personne ou au groupe l'impression de rester maître du problème.

Fondamentalement, l'approche préconisée ici est une réponse au paradoxe du déni : Comment peut-on s'accepter soi-même tel que l'on est, si la vérité est trop douloureuse? Mais en fait, comment peut-on changer réellement sans s'accepter tel que l'on est et travailler à partir de cela? Est-ce que l'humanité tout entière n'est pas en état de déni qu'il s'agiss e des ressources énergétiques, de la disparition des espèces, de la surpopulation, du réchauffement de la planète, de l'abus de drogues, et bien d'autres?

Des jeux à jouer?

On pourrait penser que des "provocations libératrices" sont simplement une forme cynique de jeu. Mais du point de vue de celui qui joue le jeu, les stratégies envisagées ici peuvent aussi être interprétées comme des stratégies "contre-intuitives" . La stratégie de l'entreprise est souvent contre-intuitive et "le marketing contre-intuitif" est une approche appréciée. Comme le note Steve Brotman, peu d'entrepreneurs peuvent comprendre intuitivement puis communiquer une stratégie contre-intuitive, surtout si la stratégie est basée sur un va-et-vient rapide entre différentes directions.

De telles approches nous font penser à des manipulateurs et éveille la vigilance que l'on doit avoir pour éviter de tomber dans leur piège. En réponse à une recherche menée récemment (Graeme S. Halford, et al, How Variable Can A Human Process? 2005). Un 'blogger' a noté que:

" Lincoln nous dit que si le peuple américain comprenait vraiment les pratiques bancaires cela déclancherait une révolution immédiate. La seule raison conceptuelle qui me fait imaginer que ça n'ait pas encore eu lieu c'est parce qu'il y a plus de quatre variables en cause dans les méthodes de "racket légal" à l'époque de la concentration financière. Les institutions peuvent manipuler un nombre arbitraire de telles variables, autant qu'elles veulent, alors que les individus doivent se contenter de leur seule intuition" .

Comme il est dit ailleurs (Participative Democracy versus Participative Drama -Lessons on Social Transformations for International Organizations from Gorbachev- 1991) :

" Est-ce qu'il serait possible de tirer des leçons du mode de structuration et de la manière de se servir du temps d'une équipe de manipulateurs pour développer des moments transformateurs à travers lesquels les formes démodées et la pensée factitive (ndlé : à vérifier : bornée, sectaire?) sont mises en échec ?" , comme nous l'apprend l'enseignement Soufi.

Les réseaux neuronaux sont utilisés maintenant afin de détecter de telles stratégies hors du commun, comme le décrivent David Moriarty et Risto Miikkulainen (Discovering Complex Othello Strategies through Evolutionary Neural Networks, 2000) qui démontrent que leur approche pourrait aussi être utilisée afin de trouver de nouvelles stratégies heuristiques dans des domaines comme le planning. Hendrik Moraal (Counter Intuitive Behaviour in Games based on Spin Models, 2000) nous montre que combiner deux stratégies perdantes peut mener à une stratégie gagnante mais aussi que le mélange de deux stratégies gagnantes peut mener à une stratégie perdante. Le mélange d'une stratégie gagnante et d'une stratégie perdante peut produire des résultats surprenants.

On peut avoir des perspectives encore plus révélatrices quand on participe à des "jeux infinis" , comme le démontre James P. Carse (Finite and Infinite Games : A vision of Life as Play and Possibility, 1986). Il argumente par exemple :

Curieusement, un effort a été entrepris pour appliquer cette approche de "gagner" d'un ordre supérieur, au monde de l'entreprise (" Meta-winning") écrit par Charles Hampden-Turner et Fons Trompenaars (Mastering the Infinite Game, 1997) en opposition au concept de l'éducation en tant que jeu infini (Michael Humphrey. Essence of Time Education as the Infinite Game, 1999).

A la lumière du cadre conceptuel de Carse, il est intéressant de se poser la question de savoir si la "guerre contre le terrorrisme est jouée comme un jeu fini (James Carse. Religious War in the Light of the Infinite Game. 2005), quand les "terroristes" , la pensent, eux, comme un "jeu infini" au sens de la théorie de Carse selon laquelle :

La mort d'un joueur infini est un drame. Cela ne veut pas dire que le jeu touche à sa fin avec la mort. A l'inverse, les joueurs infinis offrent leur mort comme une façon de continuer le jeu. Pour cette raison ils ne jouent pas pour leur propre vie, ils vivent pour que le jeu leur survive.

Cette hypothèse est renforcée par les arguments de Mary Brace (In the Death of an Infinite Player : the Horizon has been defeated, 2005) au sujet de la présidence américaine. On pourrait dire la même chose pour d'autres jeux stratégiques "contre la faim" , "contre la maladie" , ou "contre les drogues > , et certainement pour tous les processus de changement social conventionnel. A l'avenir on verra peut-être les processus actuels de la démocratie comme n'étant concernés que par des jeux finis. Dans une telle perspective, on pourrait demander à Carse, en sa qualité de professeur de Religion, si les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse jouent un jeu fini ou infini?

Ou bien, selon l'autre perception de Carse, est-ce que l'on ne pourrait pas voir dans les terroristes, plus que dans leurs adversaires, des joueurs finis :

Comme les joueurs finis sont formés pour empêcher que le futur ne modifie le passé, ils doivent masquer leur action à venir... Les joueurs finis doivent donner l'impression d'être autres que ce qu'ils sont. Tout ce qui relève de leur apparence doit servir à les dissimuler. Apparaître n'est pas paraître. Tous les mouvements d'un joueur fini doivent être trompeurs, feints ; ce sont des distractions, des falsifications, de mauvaises directions, des mystifications.

Le défi défini par Fleming Flunch est le suivant :

Créer une nouvelle civilisation est un jeu infini. Nous ne pouvons pas définir les règles du jeu sur une étude du passé. C'est quelque chose de nouveau que l'on découvre au fur et à mesure. Ce n'est pas un jeu que l'on gagne et qui est ainsi terminé. Il n'y a pas de perdant. Ce n'est pas quelque chose que l'on doit faire, mais quelque chose que nous choisissons de faire. Nous ne serons pas bloqués par les règles et les frontières qui surgissent, mais nous devons les inclure dans le jeu et jouer avec.

Inspirée par la perspective de Carse, Marianne Bojer (Changing the Game, 2004) co-fondatrice de Pionners of Change, pose cette question provocatrice de type auto-réflexif: "De quelle manière xxxxx ce même jeu qui nous pose problème peut-il être joué au Congrès du Forum social mondial? Aux réunions des Pionniers du Changement? Dans notre bureau?"

Les provocations libératrices pourraient être perçues comme des trous noirs stratégiques qui s'entrelacent entre les différents niveaux de l'espace - jeu infini.

Ce processus est-il déjà engagé? Mais est-ce déjà fait?

De toute évidence le processus, par le biais de "mesures d'austérité" , une forme "d'amour sévère" a été traditionnellement pratiquée par les autorités, qu'elles soient parentales, communales, tribales, ou nationales, pour " un bien à plus long terme" au bénéfice de la personne ou du groupe. Les plans d'ajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI pour les pays en développement étaient plus ou moins une forme "d'amour sévère" , même si l'UNICEF a démontré la nécessité d'un "ajustement structurel à visage humain" Les églises et les communautés chrétiennes ont pratiqué une forme plus extrême "d'amour sévère", sous forme de châtiments douloureux, qui sont allés jusqu'à l'usage du bûcher, afin de s'assurer que l'âme de la personne a bien été sauvée dans la perspective de l'au-delà. On peut essayer de lire l'utilisation moderne de la torture à la lumière de cet éclairage.

Beaucoup diraient que certaines formes de publicité sont une incitation à un comportement dysfonctionnel d'imitation : cigarettes, automobiles à consommation excessive d'essence, violence et obscénité au cinéma, drogues, surconsommation d'alcool, ou encore vulgarité. Des célébrités se font connaître grâce à leur comportement choquant, attirant ainsi l'attention des médias et faisant en sorte d'être imitées.

On pourrait arguer que ceux qui ont des intentions antisociales ont les stratégies "négatives" les plus subtiles et les plus efficaces. Stratégies que, paradoxalement, ils formulent comme étant "positives" . Les grandes entreprises qui cherchent à dissimuler leurs problèmes utilisent des techniques telles que la négation de l'existence d'un problème, soulignant les bénéfices et minimisant les difficultés, mettant l'accent sur l'importance des autres perspectives, entreprenant de nouvelles recherches pour gagner du temps, soulignant la nécessité du risque dans la vie, écartant des informations importantes, accusant la victime ou le dénonciateur, commanditant une expertise contradictoire, fragilisant toute nouvelle initiative, etc.

Les activistes et les lobbyistes utilisent ces techniques pour exagérer l'importance des problèmes afin de susciter les solutions appropriées. Mais, habituellement, ceci n'implique pas de recommander les solutions à problème -- excepté peut-être dans des démonstrations humoristiques (comme avec Greenpeace).   Une autre technique est de se moquer des processus électoraux démocratiques dans certains cas -- notamment en élisant des animaux aux fonctions publiques. Par exemple dans la ville de Hartlepool, au Royaume Uni, une mascotte de singe sortie d'une bande dessinée de l'équipe de foot locale a été élue maire en 2002. En France le chien "Saucisse" a été désigné candidat d'opposition à Jacques Chirac et à son rival socialiste, le Premier ministre Lionel Jospin, mais a perdu.

Au Royaume Uni, la "Monster Raving Loony Party" (le parti 'Monstre fou furieux délirant, timbré ?) a proposé des candidats aux élections depuis 1983. Mené par Cornelius Ier, un rhinocéros du zoo de Montréal, le parti du Rhinocéros fut un parti politique reconnu au Canada de 1963 aux années 90. Il y eut aussi entre 1980 et 1999, le McGillicuddy, un parti politique satirique néo-zélandais.

Le paradoxe peut également être évident dans certaines formes d'actions stratégiques trompeuses, qu'elles soient à caractère politique ou militaire, soi-disant dans l'intérêt de la société dans son ensemble. Ce peut être une caractéristique "des opérations psychologiques" de la guerre de l'information et de l'usage des opérations secrètes dites de "false flag" , c'est à dire d'utilisation d'une fausse identité nationale. Comme dans certains jeux, l'accent est alors mis sur le mensonge, mais certainement pas dans l'intérêt de la partie trompée. Par exemple, pendant la deuxième guerre mondiale, une station radio a été créée pour "neutraliser" la propagande japonaise. Tout ce qu'elle faisait était de rediffuser une version exagérée des nouvelles japonaises - tout en feignant d'être une station japonaise. "En exagérant le symptôme", la fausse station transformait n'importe quelle dépêche au-delà des limites de la crédibilité, contrant de ce fait la crédibilité de ce qui était diffusé, mais en même temps comme c'était de l'autodérision elle arrivait à décrédibiliser les vraies stations de radio japonaises. De tel précédents peuvent nous donner une bonne base pour comprendre l'approche stratégique américaine contre le terrorisme, ainsi que l'a suggéré une étude récente (Promoting a singular global threat - Terrorism : Strategy of Choice for World Governance, 2002)

Concernant la stratégie contre-intuitive une source anonyme du Département d'Etat américain (Welfere Reform, Dependance Theory an US-EU relations, 2005) argumente ainsi de manière provocante:

Au début des années 90 il semblait contre-intuitif à beaucoup qu'en coupant l'aide sociale les gens pourraient s'enrichir. Et je suppose que c'est tout aussi contre-intuitif qu'en évitant ces zones de responsabilité les USA pouvaient augmenter la sécurité nationale et leur position dans le monde.

Possibilités?

On croit volontiers que les leaders sont des exemples du changement "positif" . Par exemple un leader à l'éthique élevée stimule les mêmes qualités dans la population, en général, et chez ceux qui sont proches du pouvoir. Il se trouve cependant un argument imparable pour élire des chefs à l'éthique douteuse aux plus hautes positions institutionnelles : la population développera ainsi une attitude "positive" pour contrebalancer cette "négativité" . D'un point de vue systémique, il est possible qu'une population ait inconsciemment besoin de leaders "négatifs" si le bien être de la société ne peut être assuré que par un impact "positif" de la société tout entière.

Cette façon de voir est plutôt rassurante, surtout à une époque où l'on trouve à la tête de la plupart des institutions nationales et internationales des personnalités à la morale des plus suspectes. Il serait, par exemple, extrêmement éclairant d'expliquer pourquoi un ancien Nazi fut Secrétaire général des Nations unies de 1972 à 1981, et ensuite Président de l'Autriche de 1986 à 1992. Il pourrait être tout aussi instructif de comprendre pourquoi un homme, qui était à la tête du Pentagone en 2004, qui a défendu des lois perverses sur la torture et fut un des principaux architectes de la guerre en Irak, a été nommé, en 2005, président de la plus importante agence de développement du monde.

Dans la même veine, et compte tenu de l'admiration de George Bush pour l'Empire romain, ne peut-on se demander s'il ne s'inspirera pas, un jour, de l'Empereur Caïus Caligula (37-41 av. JC) qui éleva son cheval, Incitatus, au rang de Consul, quand il nommera des ambassadeurs aux Nations unies ou même le Secrétaire général? La cité de Lajita, au Texas, a élu à plusieurs reprises Clay Henry III, une chèvre, maire de la ville. Il eut d'autres précédents de leadership d'animaux à quatre pattes? dans les affaires humaines. Le film de Peter Sellers, Being There, 1979, montre avec finesse toute l'ambiguïté du dévouement des élus à l'intérêt général. Le Forum social mondial ne devrait-il pas, dès lors, militer pour qu'un gorille ou une oie soient nommés à la tête des plus hautes instances actuelles?

Peut-être que le chat préféré de George Bush, Cowboy (ndlé : en un seul mot), hélas aujourd'hui disparu, aurait dû entrer dans l'histoire en surpassant Sock, le "First cat" de Bill Clinton, qui avait sa propre adresse Email à la Maison-Blanche. Pourquoi, s'inspirant de Caligula-Incitatus, ne pas imaginer qu'un cowboy, candidat à la présidence, ne formerait pas une co-équipe (" ticket ") avec un cheval comme co-listier à la vice-présidence? Zorro et Tornado, Roy Rogers et Trigger, Don Quichotte et Rossinante ont déjà prouvé que cette collaboration était efficace. A l'avenir, les électeurs devront penser différemment. Les histoires d'Harry Potter, par la mise en valeur qu'elles font des compagnons familiers que sont pour lui les chouettes, dont Hedwig, sont une source inépuisable de sagesse alternative.

Une forme de "stratégie perverse" est décrite comme un lapsus freudien par Gosep Anton Fernandez (Another Country : Sexuality and National Identity in Catalan Gay Fiction, 2000). Ce livre montre comment Terency Moix se soumet à la discipline du droit canon dans l'intention de corrompre l'institution catalane de l'intérieur.

A travers son "art en défense de l'humanisme" , le sculpteur danois Gens Galschiot offre d'immenses statues provocatrices, dites "piliers de la honte" , à des pays qui ne respectent pas les droits de l'homme pour attirer l'attention sur ces abus, ainsi que des statues appelées "Survie du plus gras" pour souligner la répartition inégale des ressources dans le monde. Certaines d'entre elles ont été acceptées et occupent une place importante dans des lieux publics. Des musées de guerre et des mémoriaux aux atrocités servent aussi de rappels douloureux, bien que leurs usages soient multiples et leurs bénéfices paradoxaux très dilués.

Le Canibal Flesh Donor Program (Programme pour le don cannibale de chair), lui, ne sous-tend aucune ambiguïté. Quand vous devenez un donneur de chair humaine, vous êtes d'accord pour qu'après votre mort votre corps soit utilisé pour la consommation humaine. Ceci a un impact direct sur l'agriculture durable et donnerait potentiellement à manger aux 6,4 milliards d'humains de cette planète. La beauté de ce programme, c'est qu'il n'oblige pas les citoyens du monde industrialisé à renoncer à la viande. Ceci reflète la fameuse suggestion de Jonathan Swift (A Modest Proposal -:For Prevention the Children of poor People in Irelant from being a Burden to their Parents or Country and for making them Beneficial to the Public, 1729).

Plutôt que de tolérer le niveau actuel de massacres et de génocides pourquoi ne pas encourager à travers des concours internationaux l'invention de chambres à gaz encore plus efficaces pour faciliter le prochain holocauste? Mais n'est-ce pas déjà le cas, comme avec les armes 'thermo-bariques' que l'on utilise actuellement en Irak? Et, ce grâce au complexe militaro-industriel et à la complicité des communautés scientifiques et technologiques qui conservent leur travail secret de peur de provoquer la désapprobation. Au contraire, est-ce qu'ils ne devraient pas être honorés pour leur contribution à la civilisation (humaine)? Une nouvelle catégorie de Prix Nobel - pour la "réduction de la population" afin d'assurer le progrès de la démocratie et la survie de l'humanité - ce qui serait cohérent avec les activités qui, de toutes façons, sont à l'origine des fonds du Prix Nobel.

Sérieusement?

Une des façons les plus intéressantes d'utiliser les stratégies perverses est l'humour. Les thérapies familiales mettent l'accent sur l'humour. L'humour politique et la satire ont été maintes fois utilisés pour changer la société et ses institutions. Un ancien Directeur général de l'UNESCO co-fonda l'Association pour promouvoir l'humour dans les affaires internationales (APHIA), qui décerne annuellement un "Noble Prix" . Un "Conseil de Sécurité Interplanétaire" terrien a été imaginé pour caricaturer les conséquences logiques de la Résolution des Nations Unies (2003) justifiant l'intervention en Irak.

Une multiplicité de Prix et de récompenses provocateurs sont décernés pour contester l'arrogance. Il y a de nombreux Prix "Cuillère de bois" qui récompensent l'échec dans les compétitions - un "booby prize" dating back pour l'échec aux examens de math, transformé en "Wooden Spoon Society" par six équipes de rugby nationales pour soutenir des enfants et des jeunes qui sont physiquement ou mentalement ou socialement désavantagés. Le "Prix Noble" annuel est attribué à la recherche scientifique "pour les réalisations qui ne peuvent ou ne doivent pas être reproduites" . Le "Stella Award" a été donné à une femme qui avait touché 2,9 millions de dollars pour s'être brûlée elle-même avec un café de chez McDonald. Ce prix récompense les personnes qui ont fait les poursuites judiciaires les plus étranges, choquantes ou ridicules.

n trouve aussi ce genre d'humour pervers dans les enseignement religieux, tels que les contes tragicomiques Soufis de Mullah Nasruddin. Ce paradoxe se retrouve aussi dans bien d'autres enseignements spirituels, par exemple les Koan dans le Zen. La pratique tantrique du "Vama marga" en est une autre. La "Sagesse folle" et la "Folie spirituelle" sont connues dans le Taoïsme comme des "voies de connaissance paradoxales" . Maintes fois, dans l'aventure humaine, la folie a été une cause de délivrance et de salut. Le revirement soudain et paradoxal a fréquemment constitué la voie préférée du Saint-Esprit pour libérer le peuple de Dieu de ses impasses spirituelles et politiques.

L'humour peut aussi être utilisé dans une forme de "publicité perverse" comme la publicité touristique classique, en Australie : "Nous vous emmenons dans un coin tellement isolé que si vous vous cassez une jambe nous devrons vous abattre. Ensuite nous vous couvrirons de pierres et ferons de vous un site sacré" . A la suite du film anglais Babe mettant en scène un sympathique porcelet, l'industrie de la viande a affiché : "Vous avez vu le film, maintenant mangez la vedette". Encore plus connue, la publicité de Benetton, utilisant pendant 17 ans, la guerre, le racisme, le sida, le travail des enfants. On peut se demander pourquoi?

Surréalistiquement?

Des critiques ont remarqué l'énorme différence entre les bénéfices croissants de ceux qui développent des " stratégies de développement "et les bénéfices réels de ceux pour qui on les a soi-disant conçus. Il est surréaliste que des projets de changements sociaux échouent lamentablement sur le terrain. Cependant, ceux qui travaillent dans les institutions qui les ont conçus ne ratent jamais une occasion d'en bénéficier de façon disproportionnée. Peut-être le surréalisme devrait-il être compté au nombre des programmes visant un changement social ?

Il  existe une nouvelle mode qui s'appelle le " flash mobbing "(Dadaist Lunacy or the Future of Protest ? An introduction of Flash Mobbing, 2003). Avec ce procédé, des groupes de personnes qui, généralement, ne se connaissant pas, se rencontrent dans un lieu prédéterminé et réalisent une très brève action, le tout orchestré anonymement via l'Internet. Puis le groupe se dissout rapidement. Bien que ses adeptes soulignent la nature explicitement apolitique de cette tendance, certains commentaires la voient comme une nouvelle forme d'action politique, voire même une sorte de déclaration contre l'autorité. Un phénomène similaire est la " smart mob ", introduit par Howard Rheingold (Smart Mobs : the next Social Revolution).  C'est une forme de coordination sociale et d'intelligence collective rendue possible grâce à la technologie moderne (Internet, technologie sans fil...). A la différence d'une foule telle qu'on la conçoit habituellement, une " smart mob "se conduit intelligemment ou plus efficacement grâce à la multiplication exponentielle des liens en réseaux. Comme des groupes de manifestants, de telles " mobs " ont suscité l'inquiétude des services de sécurité lors de nombreux événements internationaux.

Une forme originale " d'action humoristique "a été développée par le réseau international des " entartreurs "(La Brigade internationale de pâtisserie), inspirée par le philosophe socio - guérilléro-artiste Noël Godin (Georges Le Gloupier), qui s'oppose à tous ceux qui se prennent au sérieux. Parmi ceux qui ont été entartrés par le réseau on peut citer BHL (en toutes lettres !), Bill Gates et d'autres dirigeants. Godin est l'un des activistes à l'honneur dans le "Hall international de la Renommée usurpée" . Il note : " Il y a des milliers de formes de subversion ; toutes sont intéressantes mais il n'y en a que quelques unes qui sont, de mon point de vue, comparables à l'effet immédiat de la tarte à la crème" . Son but est de tuer par le ridicule les plus grandes célébrités qui se prennent spectaculairement au sérieux. Un mouvement inspiré de celui-ci, Biotic Baking Brigade (ou encore People Insurgent Everywhere, or PIE) a ciblé le directeur de l'Organisation mondiale du commerce en 1998. Inspiré par ces exemples The World Car Free Network a suggéré que les meilleures stratégies sont celles qui regorgent de couleurs et de rires.

La Cicciolina, la star italienne du cinéma italien qui a tourné son dernier film porno en 1989, a été élue au Parlement italien en 1987 comme  quelques autres candidates à la tête du Parti Radical. En 1991, au début de la guerre du Golfe, elle a offert à Saddam Hussein " l'expérience de sa vie ! "sous forme d'un service personnel, à condition qu'il retire ses troupes du Koweit. Elle a renouvelé sa proposition en 2002. Certainement une candidate au "Prix offert par les Right Livelihood Awards dans l'esprit du slogan " faites l'amour et pas la guerre ", peut-être aurait-elle pu changer le cours de l'histoire en livrant ses " armes de distraction massive "à George Bush ou à Tony Blair? Le rôle joué par la Cicciolina représente peut-être une incarnation moderne des prostituées sacrées du temps des Grecs ou des Romains, ou même dans la période pornocratique papale (904-963) caractérisée par l'influence des catins? On pourrait se poser alors la question de l'importance fonctionnelle qu'auraient des prostituées pour les délégués aux conférences des Nations Unies ou aux sessions du Parlement européen. Etant donné l'influence de l'Athènes classique dans l'essor de la démocratie, peut-être devrait prêter plus d'attention au rôle essentiel joué par les prostituées sacrées dans la perspective actuelle de promouvoir la démocratie participative. Sans doute devrait-on considérer l'hypothèse de créer des facilités appropriées dans les complexes de conférence pour éviter à de vénérables hommes politiques figés (?) de courir des risques de santé.

Est-il vraiment nécessaire de prouver que les extra-terrestres n'existent pas alors que tellement de gens se nourrissent de récits d'OVNIS, de Crop Circle, et autres exo-phénomènes et collaborent avec autant d'enthousiasme, grâce à SETI et à d'autres initiatives,  aux tentatives de communication avec des intelligences extra-terrestres ? Malgré les quantités colossales de documentation "classifiées "et la destruction précautionneuse de notre récente histoire, est-ce que toutes les théories de complot que l'on peut trouver sur le Net doivent être considérées comme fausses ? Est-ce qu'il est possible que nous vivions dans une " société globale nous rappelant Potemkine " ? Dans ce cas est-ce que les gens ne devraient pas être encouragés à poursuivre plutôt le développement de leur façade que de devenir des victimes du cynisme ? Est-ce que nous ne devrions pas reconnaître l'inspiration évoquée par Don Justo Gallero Martinez qui, à 72 ans, après 40 ans d'efforts solitaire, continue chaque jour de construire une cathédrale grandeur nature avec des matériaux recyclés?

Est-ce que les stratégies des réseaux organisés en Europe et aux Etats-Unis pour libérer les nains de jardin afin qu'ils puissent retrouver tranquillement la forêt ne constitue pas un défi indéniable à l'imagination ? La culture irlandaise ne bénéficie-t-elle pas pleinement de la croyance dans l'existence de petites fées (et leur habitat) ? Est-ce que les systèmes de croyance extraordinaires ne constituent pas un contexte libérateur pour ceux qui les cultivent et pour ceux qui se sentent concernés par eux ?

La société ne serait-elle pas appauvrie sans l'existence d'une société internationale pour la " Terre plate "? Ou bien des luttes de l'autorité locale de Carlyle en Angleterre pour répondre à la pression publique pour détruire une sculpture récente exhibant une inscription portant malheur à la ville ?

Vu l'enthousiasme qu'il y a pour se divertir à l'enseigne du surnaturel (Anges, vampires, miracles, phénomènes de possession, magie), ainsi qu'à l'institutionnalisation de la béatification et de l'exorcisme, ne devrait-on pas reconnaître que ces processus sont des provocations libératrices pour des personnes qui mèneraient sinon des vies extrêmement banales? Croire que l'on vient de Sirius ou que l'on est un voyageur du temps, de passage, peut se révéler une stratégie saine. Les services " d'insécurité "sont peut-être aussi nécessaires à la viabilité d'une communauté que les services de sécurité auxquels on consacre actuellement tellement de fonds? Dans une société de plus en plus marquée par la folie - dans laquelle le génocide et la torture sont largement tolérés par ceux qui occupent de hautes positions morales et intellectuelles - à quel point est-il sain d'être sain?

Médiatisation et mise en scène provocatrice?

Le défi posé par l'indifférence politique au "déficit démocratique" est aujourd'hui bien reconnu. Il y a, de la même façon, une reconnaissance permise par les medias, dans la vie politique et à tous les niveaux de la société, quant à l'attrait populaire pour les valeurs éducatives véhiculés par les feuilletons, la TV réalité et les émissions qui ridiculisent en direct la vie de M. tout le monde. Dans un tel contexte, on pourrait redéfinir la politique de manière à ce qu'elle soit conçue avant tout comme une mise en scène tenant du drame aussi bien que du comique.

Les tendances sont déjà bien établies. Un acteur hollywoodien a été élu président de la plus grande puissance mondiale ; un autre a été élu Gouverneur d'un de ses plus grands Etats. De plus en plus, dans les débats politiques et les conférences de presse, l'événement est mis en scène. Les questions sont répétées. Les politiciens lisent leur texte sur papier ou avec des prompteurs. Des scénaristes préparent les discours à l'avance : parfois le même auteur peut écrire le discours des deux personnes qui débattent le pour et le contre ensemble. Il est très important de donner la meilleure impression. Les écrivains hollywoodiens sont souvent consultés par le gouvernement pour que soient imaginés des scénarios originaux, voire des scénarios catastrophes. Les films ont souvent anticipé ce qui survient finalement dans la réalité. Il se pourrait que la série " X-files" soit une initiative prémonitoire destinée à préparer le public à un éventuel contact avec des intelligences extra-terrestres.

Les politiciens, bien entendu, continuent d'essayer de séduire le peuple avec des événements spectaculaires (parades, célébrations...) mis en scène par des auteurs dramatiques. C'est dans la continuité des triomphes de l'Empire Romain, les couronnements ou les gigantesques parades d'Hitler à Nuremberg. On ne sait pas encore très bien jusqu'à quel point des complots dramatisés ne sont pas développés pour soutenir le scénario ainsi que l'intérêt pour les principaux acteurs (film sur Jessica Lynch, couverture médiatique de la capture de Saddam Hussein, et peut-être aussi les vidéos de spécialistes en "opérations psychologiques" ).

C'est le cas pour les nombreuses théories de conspiration et leurs équivalents sectaires actuellement en circulation. Elles proposent des histoires beaucoup plus fascinantes que celles qui sont publiées sur la base de faits réels. Dans une inversion rhétorique, le cardinal choisi par le Vatican pour exorciser le succès du Da Vinci Code a exprimé ses regrets en disant qu'" il y a un grand risque que beaucoup de lecteurs croient que les fables qu'il contient soient vraies" . Un ancien reporter du Vatican a expliqué :" L'Eglise est fondée sur une histoire à laquelle croient quelques personnes et pas d'autres, aussi le Vatican se sent-il trahi par d'autres versions de cette histoire, particulièrement " celles qui sont osées".

Ce genre de machination psychosociale peut être comparée aux thèmes traditionnellement représentés dans les Carnavals(?) populaires dans le monde entier. Par exemple, est-ce qu'on ne pourrait pas envisager que les pays et les Institutions internationales, comme les Nations-Unies et ses agences spécialisées, soient gouvernés pour un temps (" Le Roi de l'année" ) par une personne venant d'une majorité défavorisée plutôt que par quelqu'un issu d'une minorité privilégiée, ce dernier ne pouvant que défendre les intérêts de son propre clan? En s'inspirant de la Cicciolina, est-ce que la promiscuité à ciel ouvert du Carnaval ne pourrait pas devenir en quelque sorte une facette des stratégies de développement et de gouvernance qui s'efforcent vainement de gérer les conséquences de la fécondité dans les pays surpeuplés? Est-ce que le sérieux symbolique de tels modèles, mis en lumière dans des rituels païens et associés au sacrifice volontaire, pourraient donner une forme fructueuse par la mise en scène de la mort -- comme la fameuse célébration de La Santa Muerte en Amérique Centrale.

La transformation qui n'a pas encore été entièrement réussie c'est le dérapage entre le compte-rendu événementiel que les journaliste et les réalisateurs de documentaires font sur les manifestations politiques, de toutes façons spectaculaires, et les pièces de théâtre écrites avec beaucoup de créativité par des auteurs dramatiques et joués par de vrais acteurs. Il faudrait donc que les journalistes deviennent metteur en scène et improvisent sur le champ des formulations fortes.

La nouveauté serait qu'au lieu d'avoir des interprétations spectaculaires post facto, il faudrait improviser dans l'instant même -comme le font les théâtres de rue- en décrivant ce qui se passe dans le scénario scripté. Il semble que le "complexe politico-médiatique" est déjà en train d'étudier ces possibilités en prenant ses distances de toutes considérations stratégiques à long terme (sauf si elles servent au développement spectaculaire de l a dimension extraordinaire de l'intrigue)

Le fait d'utilser cette approche provocatrice présente un défi : il faut que le public trouve ce genre de scénarios plus intéressants que ceux des films. Au-delà d'un tel intérêt, comment les gens peuvent-ils s'impliquer efficacement et collectivement dans des problèmes aussi graves que le "changement climatique" et le "chômage" s'ils n'ont aucun espoir de pouvoir s'engager dans une action concrète?

Commercialisation

L'influence des intérêts commerciaux dans bien des stratégies est évidente et se manifeste sous plusieurs formes. Un curieux exemple est la mise en marché de nombreux anciens dieux avec le détournement de leurs attributs par l'industrie de l'habillement. Par exemple : Poseidon (Casquette de base-ball), Erebus (Veste), Nyx (Lunettes), Agalaia (Habillement), Thalia (Pantalons), Aphrodite (Vêtements), Nike (Chaussures), et autres. Hermès, était le dieu grec du commerce. Il serait instructif de déterminer quels autres dieux pourraient être réquisitionnés dans le but d'accaparer leurs symboles sur les produits  de marque.

L'interaction des intérêts commerciaux et des intérêts politiques est sans cesse croissante. Le financement des partis politiques par les sociétés privées reste très problématique. La corruption des hommes politiques (intéressements financiers, commissions occultes, appartements de fonction...) occupe régulièrement le devant de la scène. Le défi devant lequel se trouve un homme politique entre un conflit d'intérêt et son rôle de contrôle de l'action publique au Parlement continue d'attirer l'attention. La meilleure solution ne serait-elle pas de mettre simplement de côté toute idée de représentation  démocratique de l'électorat et d'explorer les possibilités de louer des hommes politiques? Est-ce que ceux-ci ne devraient pas simplement et individuellement publier leurs tarifs d'intervention au Parlement avec, peut être, des réductions pour les membres du parti et de ses sympathisants lors des campagnes électorales ? Après tout il y a déjà eu un précédent : l'intercession des prêtres en contrepartie de la vente aux fidèles d'" indulgences plénières".

Les tendance en faveur de cette stratégie, qui semble provocatrice, prend en compte la privatisation croissante de biens publics ainsi que le traitement de faveur accordé à certaines sociétés qui répondent à d'importants appels d'offre. En effet, c'est bien dans le style de "La cour décrète" qu'un certain nombre de contrats sont attribués sans appel d'offres. Lors des siècles passés, les postes importants au sein des Institutions étaient des charges que l'on pouvait acheter, particulièrement les "Commissions d'achat" pour l'armée. Les partis politiques aux Etats Unis offrent des postes d'ambassadeur aux particuliers qui ont apporté une large contribution financière à leur campagne, et ne s'en cachent pas. La privatisation des services publics continue.

Pourquoi ne pas aller plus loin? Les plus hautes postes gouvernementaux pourraient être soumis à appel d'offre. La gestion des agences gouvernementales pourrait être attribuée aux plus généreux donateurs. Ce serait simplement une extension de la tendance à la privatisation des grandes entreprises de transport, des hôpitaux, des prisons, etc. On a déjà pensé à étendre les contrats qui externalisent de plus en plus la sécurité publique pour y inclure aussi la protection, de nature militaire, conférée par les armées.

Cette ligne de conduite pourrait de la même manière être appliquée à la gestion des agences intergouvernementales telles que l'UNESCO ou l'OMS.

Plus intéressant encore, le Parlement lui même  pourrait fonctionner comme une entreprise de spectacle. Et bien que le Parlement soit déjà perçu comme un "théâtre" , en améliorant son "potentiel théâtral" il attirerait une plus grande audience. Imaginez une forme de démocratie participative sous forme de show du type de celui d'Oprah Winfrey. On répondrait ainsi à la demande de marier théâtre et "business" . Et l'on engagerait des acteurs pour jouer le rôle du Président.

Réserves: quand éviter le paradoxe?

Des psychothérapeutes, tels Howard Rosenthal (Treatment with a twist -2003), ont identifié d'utiles précautions à prendre lorsqu'on envisage d'utiliser des stratégies paradoxales. Il convient d'éviter par exemple de les utiliser dans les cas suivants :

Il est sans doute préférable de s'en tenir aux stratégies traditionnelles avant d'avoir recours au paradoxe. Il faut aussi porter une attention particulière aux individus ou les groupes qui, dans leur propre cadre de référence, ne peuvent être jugés responsables par nature, lors de situations difficiles. Il s'agit de personnes jugées innocentes en toutes circonstances : typiquement lorsqu'elles croient investies d'une destinée manifeste (" Le peuple élu" ), ou devant remplir une missions parce qu'on leur en a donné l'ordre (le soldat qui tue). Les stratégies paradoxales sont totalement inappropriées dans de tels cas car leur comportement ne présente aucune dysfonction. L'utilisation des paradoxes comme traitement curatif n'est pas valable non plus lorsqu'on a affaire à des sociopathes et des schizophrènes, que ce soit individuellement ou collectivement. En effet, ils ont déjà adopté le paradoxe du refus. 

Le défi pour appliquer avec pertinence des stratégies paradoxales a été merveilleusement démontré dans un livre de fiction, reconnu mais controversé, d'un psychothérapeute qui utilise le hasard pour choisir la stratégie thérapeutique à employer - spécialement dans l'auto-thérapie (Luke Rinehart - The Dice Man - 1971). L'aspect inattendu de ce roman culte fut l'identification de toute une gamme d'optons, allant de la plus triviale à la plus élevée, de la plus simple à la plus compliquée, puis ensuite de les mettre en oeuvre sur un coup de dés. L'une des suites (The Book of the Die - 2000) de ce qui est considéré comme "la bible du coup de dé" a donné lieu à une collection d'essais, de proverbes, de paraboles, de dessins animés, de poèmes et de solutions destinées à libérer les hommes du carcan qui enferment leur existence.

On peut ici se demander à quel point l'acceptation de "dommages collatéraux" (désormais caractéristiques des "interventions humanitaires" ) justifie le potentiel des stratégies paradoxales -- même s'il y a un grand risque?  De nombreux scandales ont illustré le défi de comprendre la nature des "sévices" perpétrés par des gens qui se sont autoproclamés praticiens de la "sagesse folle" dans certaines communautés spirituelles - en parallèle avec les scandales les plus connus dans les institutions religieuses conventionnelles et la tolérance dont elles ont fait l'objet au plus haut niveau. Etant donné que le règlement à l'amiable de tels abus se monte à des milliards de dollars, la réintroduction formelle de fonctions telles que celles qui étaient confiées à des homosexuels dans les temples anciens, ne serait-elle pas une solution moins coûteuse? Peut-être que, finalement ce serait une forme appropriée de morale que de protéger celui qui est vulnérable face au mal aveugle en lui garantissant que les stratégies paradoxales ne seraient jamais ouvertement employées pour le changement social, bien que cela puisse constituer en soi un paradoxe, étant donné notre inconstance à protéger le faible du mal.

Justice ?

L'ampleur de la corruption est de plus en plus élevée, bien connue et avérée, en particulier dans les sociétés occidentales. En 2005, l'OCDE a prouvé que le gouvernement britannique fermait les yeux sur la corruption de ses entreprises à l'étranger, et les Anglais ne sont pas les seuls. N'est-il pas hypocrite que le gouvernement britannique, à travers sa "Commission pour l'Afrique" (du Commonwealth?) qui, par ailleurs, oblige les Etats membres à accepter les restrictions criminelles imposées par l'OMC, le FMI ou la Banque mondiale, telles que la privatisation de l'eau par des sociétés anglaises, essaie de résoudre les problèmes africains en s'attaquant à la corruption de leurs dirigeants?

Mais plutôt que de regretter vainement que la corruption sape les programmes d'aide, est-ce que l'on ne devrait pas s'assurer que les fonds affectés ne sont pas détournés par la "mafia" , d'une manière aussi efficace, étant donné leur talent à mettre en place des projets locaux? Puisque l'aide financière a tendance à être détournée de cette façon - comme le souligne l'implication de fonctionnaires dans le scandale du programme des Nations unies "pétrole contre nourriture" ; ne serait-ce pas l'occasion de reconnaître ce fait et de l'organiser plus ouvertement?

La justice occidentale est basée sur la présomption d'innocence jusqu'à ce que la culpabilité soit prouvée. Combien d'erreurs judiciaires découlent de cet état de choses?

On voit maintenant de plus en plus d'intérêt dans l'utilisation du principe de "justice préventive" face au terrorisme. Mais n'est-ce pas la clé d'une approche renouvelée aux défis fondamentaux de la société que de présumer la culpabilité de ceux qui sont au pouvoir - jusqu'à ce que leur innocence soit démontrée - si cela peut éviter la mort de 100 000 Irakiens ?

Ne serait-ce pas particulièrement approprié compte tenu que les puissants ont les moyens de manipuler le système judiciaire pour entraver leur mise en examen et intimider ceux qui en ont l'intention?

Si l'on pousse le bouchon plus loin, est-ce que des leaders à l'image ternie ne seraient pas encouragés à "sortir du placard" pour reconnaître leurs fautes, comme si c'était de nos jours un pré-requis pour un leadership mature. Cela produirait un contraste sain aux efforts de présenter les leaders comme d'une vertu irréprochable. Ce serait cohérent avec la "Realpolik" défendue par les néo-conservateurs américains tels Michael Ledeen (Machiavelli on Modern Leadership: Why Machiavelli's Iron Rules Are as Timely and Important Today as Five Centuries Ago, 1999).

La justice contemporaine s'intéresse particulièrement au processus de la mort. Les protecteurs autoproclamés des valeurs civilisées investissent lourdement et sans remord dans les moyens de tuer les autres en leur nom, dans des "guerres justes" . C'est même sanctifié par des groupes religieux qui, par l'intermédiaire d'aumôniers militaires apportent leur bénédiction aux centres de détention dans lesquels tortures et privations conduisent à la mort. Et pourtant ce sont bien les mêmes groupes qui mènent activement et vertueusement campagne pour empêcher toute application légale pour autoriser, ou accompagner, une mort digne à cause de l'intérêt financier que procure l'acharnement thérapeutique. Les deux représentent un investissement paradoxal qui procure le maximum de souffrance aux autres.

Avec de tels principes, est-ce que le malade en phase terminale devrait être encouragé à suivre la trace des kamikazes ? Ou devraient-ils paraître devant les forces de sécurité en brandissant une arme afin de bénéficier de leurs talents de tireurs professionnels à la gâchette facile les habilitant à tirer légitimement sur les suspects? Verrons-nous dans le futur des personnes en fauteuil roulant lancer des attaques suicides sur des effectifs militaires ; attaques qui leur permettront de réussir la seule mort que la civilisation peut leur accorder légalement venant des mains de ceux qui sont des tueurs professionnels bien entraînés? Autre alternative : étant donnée la facilité avec laquelle on peut se procurer des drogues illicites via la mafia, est-ce qu' " achever le malade en phase terminale avec dignité" ne devrait pas être un nouveau service auquel la mafia pourrait s'intéresser, ou peut-être une opportunité économique pour des pays "en voie de développement" , non affectés par les scrupules de la "civilisation"

De nombreux pays déplorent l'usage de la torture, mais beaucoup de gouvernements - particulièrement ceux qui sont au Conseil de sécurité des Nations unies - en font largement usage en secret. N'y aurait-il pas là un argument fort pour faire de la torture un usage plus étendu et plus public en réponse aux récusations grandissantes de la loi et de l'ordre? Peut-être y a t-il effectivement une valeur au recours à la punition publique préconisé par la loi islamique. Jusqu'au XIXe siècle, dans l'Ouest américain, les humiliations publiques utilisant des billots et des piloris étaient en soi une grande partie de la punition. Les punitions devraient toujours avoir lieu dans les lieux publics les plus accessibles pour tous, la place du marché par exemple. Les punis seraient vite célèbres et cela ne ferait qu'augmenter leur honte. La participation d'un public était un élément clé, garantissant certainement un traitement plus humain que celui infligé dans des prisons où l'abus sexuel est courant.

Conclusion: réaliser l'impensable

Dans un monde pervers, n'y a-t-il pas de bonnes raisons pour développer des stratégies perverses - surtout si c'est déjà ce que nous faisons par ailleurs? Peut-on voir dans la stratégie des "bombes humaines" le fait qu'une société moderne bizarrement dévoyée et provocatrice ait besoin de sacrifices humains "préparatoires" pour pouvoir prendre des initiatives réparatrices? Un exemple banal : pourquoi ne savons-nous pas combien il a fallu de "sacrifices" de cet ordre avant que la loi n'impose aux automobilistes la ceinture de sécurité?

Pourtant, le comble de la perversion civilisée réside peut-être dans la couverture médiatique, hautement politisée, du calvaire des malades en phase terminale (cf. les cas de Terri Schiavo aux Etats-Unis en 2005 et de Diane Pretty dans le Royaume Uni en 2002). Les siècles futurs y verront probablement l'illustration de la pratique publique du sacrifice humain prolongé dans la civilisation chrétienne. Peut-être faudrait-il voir sous cet éclairage l'épidémie de SIDA en Afrique? Combien de sacrifices humains seront-ils encore nécessaires avant que l'euthanasie ne soit légalisée? Plus troublant, à la lumière de la "théorie du management de la terreur" (Terror Management Theory), est le besoin politique, consciemment orchestré, de ce qui rappelle dramatiquement que nous sommes mortels pour apporter un soutien aux programmes néoconservateurs et théoconservateurs (Oliver James, A Vote for Immortality, 2005; Pat Nason, Feature : Death and Voting, 2004). Les chercheurs ont montré que l'allusion constante aux kamikazes et à la mort amène les gens à voter pour des candidats politiques auxquels ils peuvent trouver quelque chose d'héroïque (Cohen, 2004; Landau, 2004). Peut-être, comme chez les Aztèques ou comme pour les exécutions publiques prônées par l'islam, faudra-t-il effectivement beaucoup plus de sacrifices de ce genre pour assurer la viabilité d'une civilisation basée sur les valeurs chrétiennes?

Dans la culture aztèque, verser le sang était sacré. Le sacrifice humain était le moyen le plus dramatique pour apaiser les dieux. Il était plus commun, dans toute fonction religieuse, de verser volontairement son sang - plus le rang social ou sacerdotal était haut, plus il fallait donner de sang en sacrifice. Est-ce que cela justifie le fait que les élites "fassent couler le sang", personnellement et financièrement, au sein d'institutions puissantes qui recommandent des mesures d'austérité à des sociétés déjà pauvres? La perception moderne qu'ont les pauvres des "élites suceuses de sang" peut apparaître comme un curieux renversement de cette ancienne façon de voir - en évoquant peut-être inconsciemment l'intérêt pour les vampires, largement répandu et cultivé aujourd'hui par les média.

L'approche générale préconisée ici se focalise sur les êtres pleinement conscients en les rendant responsables de leurs actes. Les stratégies provocatrices clarifient les questions à poser et, dans l'ordre des idées, amènent à poser d'autres questions, plus fructueuses et d'un ordre plus haut : la clé de la libération.


Le Chatelier's Principle as Applied to Social Systems

Reformers, critics of institutions, consultants in innovation, people in short who 'want to get something done', often fail to see this point. They cannot understand why their strictures, advice or demands do not result in effective change. They expect either to achieve a measure of success in their own terms or to be flung off the premises. But an ultra-stable system (like a social institution)... has no need to react in either of these ways. It specializes in equilibrial readjustment, which is to the observer a secret form of change requiring no actual alteration in the macro-systemic characteristics that he is trying to do something about.

Stafford Beer The Cybernetic Cytoblast - management itself.
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